« Démystifier, ouvrir la parole et créer un climat de confiance : c’est ainsi que nos équipes prennent du recul et se sentent mieux outillées. »
Je m’appelle Sandie Colin, je suis la Directrice du Projet Humain de la société CVE. CVE, c’est « Changeons notre Vision de l’Énergie ». C’est un producteur d’énergie renouvelable qui opère sur le solaire et le biogaz et qui comprend environ 400 collaborateurs en France.
Comment la perception de la santé mentale a-t-elle évolué chez CVE ?
Chez CVE, on est portés par trois valeurs importantes dans le projet d’entreprise : l’engagement, l’excellence et l’épanouissement, avec ce souci de permettre l’épanouissement individuel et collectif. Forcément, le sujet de la santé mentale était l’une de nos préoccupations. Et pour autant, on ne savait pas très bien comment l’adresser. C’était un sujet tabou.
Aujourd’hui, je dirais que ça a évolué. Je pense qu’on a réussi à rendre le sujet moins tabou. C’est passé par des actions de sensibilisation, de communication et, peut-être, que notre façon de faire a permis de faire évoluer le sujet, qui en plus, aujourd’hui, est la grande cause nationale du gouvernement.
Pour autant, on a encore des progrès à faire. On doit continuer ces actions de prévention, de sensibilisation, parce qu’on n’adresse pas ces sujets tous de la même façon. Pour certaines personnes, ça reste encore méconnu, voire complètement sous les radars.
Pourquoi la santé mentale est-elle un enjeu stratégique pour CVE ?
Je considère la santé mentale comme un enjeu stratégique, dans la mesure où nous souhaitons nous aligner avec nos valeurs, et permettre à chacun de les incarner. Chez CVE, on a cette valeur de l’épanouissement, et donc c’est important d’être alignés.
C’est aussi se donner la chance de pouvoir incarner les deux autres valeurs, qui sont l’excellence et l’engagement.
Un des défis que nous rencontrons, à mon avis, c’est la méconnaissance de ce qui tourne autour de la santé mentale. On ne sait pas vraiment ce qu’il y a derrière, quels sont les troubles, ce qu’elle représente. Et puis un autre défi, c’est : comment accueillir et accompagner les personnes qui nous entourent et qui peuvent se retrouver dans une situation de santé mentale mise à mal.
Quelles actions mettez-vous en place pour renforcer la prise en compte de la santé mentale chez CVE ?
Chez CVE, nous avons déployé les actions concrètes suivantes.
D’abord, cela fait plus de dix ans que nous mesurons la satisfaction des collaborateurs. Ça nous a permis de faire ressortir des problématiques de santé mentale et, du coup, de mettre en place des plans d’action qui étaient concrets et appliqués aux situations qui étaient remontées.
Ensuite, nous avons mis en place des actions de sensibilisation, de communication. L’idée derrière, c’est d’acculturer les équipes, de donner du vocabulaire, de savoir de quoi on parle.
Enfin, nous avons plus d’une vingtaine de collaborateurs qui ont été volontaires pour se former à la formation PSSM, les « Premiers Secours en Santé Mentale ». C’est une formation citoyenne, un peu l’équivalent du Sauveteur Secouriste du Travail.
Et puis, la dernière action qu’on a déployée récemment, c’est de proposer la solution Holivia aux collaborateurs, qui leur permet de disposer de contenus sur cette thématique, en lien avec leurs propres besoins, ou de faire appel à des psychologues experts.
Quel impact ces actions ont-elles eu sur vos équipes et votre culture managériale ?
Ces actions ont permis de rendre le sujet de la santé mentale moins tabou. On a su créer, je pense, un climat de confiance autour de ces sujets, la possibilité de s'exprimer, d'en parler.
Une anecdote que j'ai envie de partager : par le passé, on a pu faire appel de façon assez fréquente à un psychologue du travail, pour aider des collaborateurs dans des situations très délicates.
Quelques années plus tard, ce psychologue du travail m’a fait part du fait qu'on le sollicitait moins. Pour moi, c'était la preuve que, finalement, nos actions de sensibilisation et de communication avaient peut-être permis aux équipes de prendre du recul, de se sentir moins en difficulté, d'être plus outillées sur le sujet.
Et enfin, par rapport à la culture managériale, j'ai la prétention de penser que si les managers sont en capacité de mieux prendre soin de leur santé mentale, alors eux-mêmes seront en mesure de mieux accompagner leurs équipes.
Comment vivez-vous la place croissante de la santé mentale dans les conversations RH et managériales chez CVE ?
Le fait que la santé mentale prenne de plus en plus de place dans les conversations me fait dire qu'on arrive doucement à démystifier le sujet, à le rendre moins tabou, à permettre d'ouvrir la parole.
Pour autant, ça reste des sujets délicats, parfois difficiles. On a encore à progresser sur notre connaissance de ces thématiques. On se retrouve aussi parfois démunis face à des situations difficiles qui peuvent être exposées par des collaborateurs, parfois par peur ou par pudeur, parce que cela vient aussi toucher des sujets en lien avec la vie privée.
Quels messages souhaitez-vous passer à vos pairs ou aux dirigeants ?
Le premier, c’est de dire que s'il est impossible de traiter les causes primaires des RPS, des problématiques de santé mentale en entreprise, c'est peut-être parce que c'est trop difficile, lié à des facteurs exogènes à l'entreprise.
Pour autant, ce qu'on peut faire, c'est au moins continuer à faire de la prévention, à communiquer, à ouvrir nos portes, de façon à rendre ces sujets moins tabous.
Le deuxième message, c’est de se dire que la santé mentale, ce ne sont pas que des « problèmes perso ». On sait aujourd'hui que l'équilibre entre notre vie privée et notre vie professionnelle est très mince.
Et donc, la santé mentale est un sujet qui doit être vu dans son ensemble.
Quel serait votre mot d’ordre pour faire avancer la santé mentale au travail ?
Ce serait : démystifier.
Allons-y, parlons-en !

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